« Les courbes de tes lèvres réécrivent l’Histoire » : le film « Velvet Goldmine » a vingt ans

« Les courbes de tes lèvres réécrivent l’Histoire » : le film « Velvet Goldmine » a vingt ans

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Cet article sur le vingtième anniversaire du film Velvet Goldmine a été écrit par un utilisateur d’Hornet, qui nous l’a envoyé via notre plateforme dédiée. Vous aussi, envoyez-nous vos articles, récits et témoignages (plus d’informations ici).

Le film de Todd Haynes Velvet Goldmine a été projeté en public pour la première fois au festival de Cannes, il y a vingt ans (le 22 mai 1998). Un peu à l’instar de Citizen Kane, le film raconte la quête d’un journaliste gay, Arthur Stuart, qui cherche à découvrir ce qu’est devenue une ancienne superstar du glam-rock, Brian Slade. Velvet Goldmine est une sorte de lettre d’amour adressée par Todd Haynes à David Bowie, au glam-rock, à la libération sexuelle et à toutes les transgressions des normes de genre. Ça aurait du être un triomphe. En fait, la carrière de Velvet Goldmine a pris le même trajet qu’ »un putain d’ascenseur en chute libre« , pour reprendre une expression du film.

Malgré un sujet sulfureux et un casting trois étoiles (Ewan McGregor, Jonathan Rhys Meyers, Christian Bale, Toni Collette, Eddie Izzard), le sort semble s’être acharné sur le film avant même sa sortie en salle. David Bowie a ainsi refusé que sa musique apparaisse dans la bande originale. Harvey Weinstein, le patron de Miramax (la société productrice de Velvet Goldmine) a exigé du réalisateur de très nombreuses modificationsavant de lâcher le film juste après sa présentation à Cannes.

Et ce n’est pas du côté de la critique ou du public que Todd Haynes a pu trouver des motifs de consolation. Roger Ebert, l’un des plus influents critiques de cinéma américains, a ainsi écrit que « [Velvet Goldmine] se veut un film en quête de vérité. Mais c’est surtout un film en quête de lui-même« . Paul Tatara, de CNN, était plus cruel encore : « si vous prenez la peine de gratter le fard à paupière argenté et pailleté, vous verrez qu’il n’y absolument rien dessous« . Au final, Velvet Goldmine n’a engrangé qu’un peu plus d’un million de dollars de recettes, pour un budget de sept millions.

Pourtant, Velvet Goldmine (dont le titre est emprunté à une face B de Bowie) ne se voulait pas forcément un film SUR Bowie, même si ses fans n’ont pas manqué de relever toutes les allusions au chanteur qui y sont disséminées. Le film est beaucoup plus riche qu’on pourrait le penser au premier abord. Pour reprendre l’un des cartons de Velvet Goldmine : « le sens n’est pas dans les mots, mais entre les mots« .

Todd Haynes lui-même a déclaré à propos du film : « j’ai mélangé des éléments historiques avec le récit de [Velvet] Goldmine et les gens n’ont pas aimé cela. Ils veulent des drames historiques fidèles à la réalité mais c’était la dernière chose que je souhaitais faire, parce que ce n’était pas du tout l’esprit du glam-rock. J’ai pris les principes [du glam-rock] (s’habiller de façon fabuleuse, être fantastique et surtout pas authentique) et j’ai essayé de les appliquer à un film. Mais je pense que les gens (en tout cas, les gens du monde du rock) sont passés à côté de cela. Hélas« .

Ce fossé entre l’artiste et son public semble être la raison derrière la création du blog vardathemessage (hébergé sur la plateforme LiveJournal). Le titre du blog reprend une expression de polari (un argot gay anglais) utilisée dans le film. Ce blog ouvert en mai 2004 est présenté par son auteur comme « une version annotée de Velvet Goldmine » et propose, pour chaque jour de l’année, une anecdote sur le film. Dans son commentaire audio paru dans l’édition Blu-ray du film en 2011, Todd Haynes lui-même a salué et remercié ce blog.

Depuis une dizaine d’années environ, il semblerait que la cote de Velvet Goldmine auprès des critiques remonte. Peut-être est-ce parce que certaines personnes qui ont adoré le film durant leur adolescence sont à leur tour devenues critiques de cinéma.

Dans un article de 2009 sur le site The A.V. Club, Scott Tobias écrivait ainsi que Velvet Goldmine avait rejoint « le nouveau canon cinéphile » et que « les tentatives [de Todd Haynes] de dépeindre [David Bowie] de façon indirecte, à travers des allusions et des représentations, se révèlent plus payantes que n’importe quel biopic classique« . Dans un autre article pour The A.V. Club, daté celui-ci de 2016, Carolyn Seide se concentre pour sa part sur le personnage de Arthur Stuart (interprété par Christian Bale) et en conclut que « le vrai rebondissement du film, c’est qu’au final, il s’intéresse beaucoup plus à Arthur qu’à [Brian] Slade« .

Dans un article publié sur le site de la compagnie de production de films indépendants Oscilloscope Laboratories en 2017, Judy Berman salue non seulement « la construction au couteau et jamais gratuite » du film, mais elle note également que Velvet Goldmine n’est pas un film gay à proprement parler. « Mieux vaut le voir comme un film bisexuel qui fait de la sexualité non-binaire une métaphore des potentialités infinies de la jeunesse« , écrit-elle. « C’est la promesse d’un avenir dont les seules limites seraient celles que chacun fixe à ses ambitions et à ses aspirations« .

Avec ses réflexions sur les identités de genre et la liberté sexuelle, Velvet Goldmine semble être un film parfaitement adapté à notre époque. Peut-être n’a-t-il eu que le tort de sortir vingt ans trop tôt.

Au final, que sont devenus Brian Slade et les acteurs de Velvet Goldmine ? Si le film a mis du temps à être adoubé par la critique, on ne peut pas en dire autant de ses acteurs, qui ont tous connu une carrière époustouflante.

Ewan McGregor (Curt Wild) a joué Obi-Wan Kenobi jeune dans les épisodes I, II et II de la saga Star Wars. Plus récemment, il a remporté le Golden Globe du meilleur acteur pour son double rôle dans la série Fargo.

Jonathan Rhys Meyers (Brian Slade) a lui aussi été récompensé par un Golden Globe, en 2005, pour son rôle d’Elvis dans le téléfilm du même nom. Il a également été nommé pour sa participation aux séries Les Tudors (2007-2010) et Dracula (2013-2014).

Toni Collette (Mandy Slade) a été récipiendaire, avec l’ensemble des acteurs du film Little Miss Sunshine (2006) du  Screen Actors Guild Award de la meilleure distribution. Elle joue également dans l’un des films d’horreur dont on parle le plus cette année, Hereditary.

Quelques années après Velvet GoldmineChristian Bale (Arthur Stuart) jouait Bruce Wayne/Batman dans la trilogie de Christopher Nolan. Il a remporté un Golden Globe et un Oscar pour son rôle dans Fighter (2010).

Enfin, Eddie Izzard (Jerry Devine) fait toujours du stand-up et a fait son coming-out trans. Elle a prêté sa voix aux personnages de plusieurs films d’animation, dont Cars 2 et Lego Batman, le film. Elle a également joué dans plusieurs séries, dont Hannibal et The United States of Tara (dans laquelle joue également Toni Collette) ou des films.

Le cinéaste Todd Haynes a quant à lui réalisé par la suite d’autres films, dont plusieurs ont remporté un grand succès critique. Ses films Loin du paradis, I’m Not There et Carol ont tous remporté des prix. En 2011, son adaptation en mini-série du roman Mildred Pierce pour la chaîne câblée HBO a été qualifiée de « chef-d’œuvre » par le site Salon. Il travaille actuellement à un documentaire sur le Velvet Underground et à une série télévisée sur Sigmund Freud.

 

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