Non, la Turquie n’est pas l’enfer homophobe que l’on décrit parfois

Non, la Turquie n’est pas l’enfer homophobe que l’on décrit parfois

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Vous avez sans doute entendu parler de ce qui s’est passé à la Pride d’Istanbul, en Turquie. J’y étais et je vais revenir sur le sujet, pour décrire ce qui s’est exactement passé. Mais d’abord j’aimerais revenir quelques jours en arrière et zoomer sur la ville d’Izmir. Izmir est la troisième plus grande ville de Turquie et c’est la ville la plus libérale du pays.

La Pride d’Izmir s’est très bien passée

Le 3 juin, la sixième Pride d’Izmir s’est déroulée dans le calme, avec plus de 50 000 participant.e.s. La seule chose que l’on pouvait voir, c’était des rainbow flags, des banderoles prônant l’égalité et des gens qui passaient un bon moment. La police n’est pas intervenue et on n’a déploré aucune agression homophobe.

Quoi? Vraiment? En Turquie? Ce n’est pas possible, il y a eu certainement une intervention brutale de la police, avec des gens agressés par les autorités et ensuite par les fondamentalistes religieux… Eh bien non, ça ne s’est pas passé comme ça. Donc pourquoi continue-t-on à penser que la Turquie subit une vague de répression homophobe?

Ce qui se passe en Turquie

2018 a été une année riche en événements pour la Turquie. Le 24 juin, seize député.e.s qui avaient signés une charte les incitant à lutter pour les droits LGBT ont été élu.e.s au parlement turc. C’est une étape importante pour les droits LGBT car c’est la première fois que des députés pro-LGBT sont élus.

Ce progrès n’a pas été remarqué en dehors de la Turquie. A l’international, on s’est concentré sur le Président et ensuite, bien sûr, sur les événements de la Pride d’Istanbul. Guère étonnant que le monde entier pense que la Turquie s’est lancée dans une vaste répression homophobe.

Mais il est important de signaler les bonnes choses qui se passent en Turquie aussi. Bien sûr, il ne s’agit pas de minimiser les événements graves d’Istanbul. Le but est plutôt de montrer une image plus juste de la vie LGBT+ en Turquie et des contradictions auxquelles elle est parfois confrontée.

Pour les personnes LGBT+ turques, 2018 s’annonçait bien. Jusqu’à ce que le gouvernement de la ville d’Istanbul décide de ne pas accorder d’autorisation de défiler à la Pride d’Istanbul. Les autorités ont justifié leur décision en mettant en avant des « problèmes de sécurité », qui les empêcheraient de protéger les manifestant.e.s.

La République de Turquie vit toujours en état d’urgence depuis 2016, suite au coup d’état raté de l’armée. Il y a également eu un attentat en 2017, ce qui a fourni un prétexte à la ville pour s’opposer à la Pride. Personne ne croit à ces explications, c’est pourquoi les LGBT d’Istanbul étaient déterminés à fêter leur Pride malgré tout.

Ce qui s’est passé à la Pride d’Istanbul

Avant la Pride à Istanbul, toutes les rues et les routes menant à la place Taksim ont été bloquées par la police le 1er juin. Lorsque la foule a tenté de rejoindre la place Taksim pour la Pride, la police a tiré sur la foule avec des balles en caoutchouc, pour empêcher les gens de s’y rendre.

Le blocage de la place Taksim n’étais pas surprenant, donc la foule a commencé à se réunir à un point de rencontre alternatif — la rue Mis, près de la place. Une discussion avec la police a conduit à un compromis: le comité de la Pride d’Istanbul a été autorisé à lire à haute voix un communiqué de presse à la foule rassemblée dans la rue Mis.

Je n’ai assisté à aucune agression homophobe; ni venant des gens du quartier, ou des passants habituels. En fait, beaucoup d’entre nous ont été heureux de voir des signes de solidarité avec la Pride. Les gens ont donné de l’eau aux marcheurs et ont littéralement ouvert leur porte pour nous protéger quand la police nous repoussait.

Ensuite, une Pride alternative a démarré spontanément dans la rue Kurabiye. La grande masse des personnes LGBT s’est ensuite déversée dans le Boulevard Tarlabaşı, tout proche, et c’est là que les arrestations ont commencé. Pour éviter les arrestations, les marcheurs se sont rendus à Oda Kule pour lire un second communiqué de presse. Enfin, certains se sont rendu à Cihangir pour le dernier acte de protestation pacifique: jeter des balles de ping pong colorées depuis le toit d’un appartement.

Ne laissez pas des articles inquiétants vous donner une mauvaise opinion de la Turquie

Il est évident que la Pride de cette année à Istanbul a été particulièrement éprouvante. Mais nous devrions malgré tout être fiers qu’elle ait pu avoir lieu malgré l’état d’urgence, malgré les barrières de la police, et malgré les milliers de policiers. La communauté LGBT a refusé de se soumettre.

Heureusement, excepté les problèmes de dimanche, les autres événements de la Pride se sont déroulés sans problème et ont attiré beaucoup de monde. Beaucoup de soirées post-Pride étaient si bondées qu’il était impossible d’avoir un billet. En d’autres termes, pas vraiment le cauchemar homophobe que vous pourriez imaginer.

Ne rapporter que les événements négatifs fait du mal à la communauté LGBT. Les touristes gays qui entendent ces histoires vont avoir moins envie de visiter la Turquie. Le pays est sans aucun doute à un carrefour de son Histoire, tiré dans plusieurs directions et il est impossible de prédire ce que le futur va nous apporter.

Mais si les LGBT boycottent la Turquie, comment pouvons-nous construire un soutien international pour notre communauté? Nous avons besoin de vous, maintenant plus que jamais, nous avons besoin que vous veniez ici et que vous veniez nous soutenir.

Ensemble, nous pouvons dépasser les barrières de la police. Nous devons envoyer ce message aux LGBT turcs: « vous n’êtes pas seuls. Nous ne sommes pas seuls. »

En 2014, la Pride d’Istanbul a attiré 100 000 personnes, de toutes les couleurs de l’arc en ciel, qui ont marché paisiblement et célébré la diversité de la ville. Cela peut se reproduire. Nous avons juste besoin de votre aide.

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